Grève
Georges Pop | Une fois de plus, la rentrée sociale se révèle tendue chez nos estimables voisins français entre un gouvernement déterminé à introduire des réformes et une opposition politico-syndicale qui entend s’y opposer par des manifestations et des grèves. Les Français auraient-ils un penchant naturel pour les conflits sociaux exacerbés et un recours mécanique aux arrêts de travail et aux blocages ? Certains le pensent ! Quoi qu’il en soit, on ne sera pas étonné de constater que le mot grève et l’expression faire grève sont bien nés à Paris. Mais on est toujours surpris d’apprendre qu’il n’y a pas si longtemps faire grève voulait dire chercher du travail et non pas l’interrompre. A l’origine se trouve le vieux mot gaulois grava, passé au latin vulgaire, qui désignait – et désigne toujours – une grève ; autrement dit espace couvert de galets ou une plage de sable grossier. Quel rapport avec la grève d’un groupe de salariés ? Aucun ! Si ce n’est qu’au XIIe siècle à Paris, on a baptisé place de Grève un espace près de la Seine où les crues du fleuve provoquaient régulièrement des inondations qui laissaient des dépôts de galet et de sable. L’endroit était fréquenté par des bateliers qui chargeaient et déchargeaient des marchandises et cherchaient parfois de la main d’œuvre pour ce travail. C’est ainsi que les Parisiens qui n’avaient pas de boulot – aujourd’hui nous dirions des chômeurs – avaient pris l’habitude de se réunir en place de Grève pour offrir leurs services. Et progressivement l’expression faire grève a pris le sens de chercher du travail. Avec la révolution industrielle, les rassemblements ont pris cependant un tour de plus en plus revendicatif. Et progressivement l’expression a pris le sens qu’on lui connaît aujourd’hui. La place de Grève a perdu son nom originel : elle s’appelle de nos jours place de l’Hôtel-de-Ville – Esplanade de la Libération. Elle est davantage fréquentée par les touristes que par les grévistes. Quant à la Seine, elle a été entièrement canalisée en cent ans entre 1839 et 1939. A Paris, il est manifestement plus facile de contenir les eaux d’un fleuve que les débordements de colère de certains manifestants !