Votations du 25 novembre
Quelques réflexions sur les trois objets
Christa Calpini, pharmacienne et ancienne députée | Le premier objet était l’initiative « Pour la dignité des animaux de rente agricoles (initiative pour les vaches à cornes) ». Jamais de ma vie, je n’ai imaginé devoir un jour me prononcer sur un tel sujet. Voter pour ou contre un subventionnement pour les éleveurs souhaitant garder les cornes de leurs vaches, avouez que c’est plutôt surprenant… d’autant plus que cette demande émane du milieu agricole. Ce dernier, une fois de plus, est partagé. Chaque éleveur a sa manière de voir les choses. Celui qui détient des animaux en stabulation libre préfère des bêtes écornées et celui qui privilégie les cornes choisit la détention entravée afin d’éviter les blessures. Je pense que chaque propriétaire a actuellement le libre choix et que ce n’est vraiment pas nécessaire de mettre ce sujet dans la Constitution, ni de donner des millions en subventions. Je préfère voir cet argent mis pour la prévention du tabagisme chez les jeunes ou à la formation. J’ai voté NON, comme une majorité de la population.
Le second objet était l’initiative « Le droit suisse au lieu de juges étrangers (Initiative pour l’autodétermination) ». Cette fois, la population n’a pas adhéré aux arguments simplistes de l’UDC et elle a bien fait. Personne, et plus particulièrement les entrepreneurs, ne voulait revivre la surprise de 2014. Rappelons que l’initiative «Contre l’immigration de masse» a causé beaucoup de tort en compliquant fortement nos relations avec l’Union européenne. Le monde de la recherche a particulièrement souffert (accès limité au 8e programme-cadre européen de recherche Horizon 2020) et payé le prix fort. Chat échaudé craint l’eau froide et, ce dimanche, le peuple a dit un NON sans équivoque au texte de l’UDC. Les électeurs, conscients du danger, n’ont pas voulu risquer de mettre en péril les quelque 5000 accords et traités internationaux conclus pour l’intérêt de notre pays. La réalité est que l’économie d’aujourd’hui est faite d’interdépendance avec des règles à respecter pour les différents partenaires. Un non respect de la parole donnée aurait décrédibilisé la Suisse, engendré de la méfiance et des rapports de force néfastes pour nos 97’000 entreprises exportatrices.
Le troisième objet avait pour but d’introduire une base légale pour la surveillance des assurés (modification de la LPGA). Dans ma carrière de pharmacienne, j’ai croisé des personnes qui abusaient de l’AI, et aussi le contraire: des personnes essayant d’obtenir une aide absolument justifiée et qui n’y arrivaient pas. Ces dernières situations sont dramatiques. Ceci dit, celui qui fraude reçoit de l’argent venant des primes payées par nous tous et porte préjudice au système solidaire. C’est quelque chose d’insupportable et, qu’on le veuille ou non, les fraudes aux assurances sociales coûtent 80 millions par années à la société. Quant au fait que les assureurs auraient pu venir nous espionner dans nos chambres à coucher, cela me fait sourire. En effet, si on veut ne pas être vu, il n’y a qu’à tirer les rideaux ou baisser les stores. Je dirais aussi que celui qui n’a rien à se reprocher n’a rien à craindre d’une surveillance. C’est pourquoi j’ai voté OUI. Néanmoins, tout n’est pas tout blanc ou tout noir et les assureurs, pour certains, doivent aussi être mieux surveillés, notamment ceux pratiquant l’assurance maladie de base. Car ceux-ci, après avoir trop encaissé en 2017, pourraient, encore une fois, grossir leurs réserves à l’issue de l’exercice 2018. En effet, la hausse des primes infligée aux Suisses en 2018 (+4,5% à l’échelle nationale) pourrait se révéler exagérée une fois de plus. En d’autres termes, cela signifierait que les caisses pourraient encaisser 800 millions (2,5%) de plus que les prestations payées. Ajouté aux 640 millions capitalisés en 2017, leur gain se monterait alors à plus de 1,4 milliard… Cela donne le vertige car, sur cette base, les Suisses auraient été en droit d’attendre une compensation pour 2019. Nous n’avons encore rien vu venir et ce n’est pas juste. Nous sommes en droit d’attendre de nos autorités de surveillance qu’elles fassent leur travail!