«A Bright Light – Karen and the Process» – Une étoile filante au firmament du country blues
«A Bright Light – Karen and the Process», un documentaire d’Emmanuelle Antille

Colette Ramsauer | Pour raconter le destin de Karen Dalton, chanteuse reconnue puis oubliée, l’artiste lausannoise Emmanuelle Antille avec «A Bright Light – Karen and the Process», réunit documents d’archives, témoignages de séniors et flashes d’images. Oscillant entre documentaire et essai cinématographique, la réalisatrice porte un regard global sur le processus de la création artistique. Le tout dans un flot de musique prenante de country blues, qui sauve le film.
Départ Colorado
Jusqu’où décide-t-on d’aller pour répondre à son envie de création? C’est ce que tente d’expliquer le film, Road Movie sur les traces un demi siècle plus tard de Karen Dalton (1937-93), chanteuse culte de country blues des années 60, qui quitta subitement la scène internationale. La réalisatrice part à la rencontre de ceux qui furent ses compagnons et qui continuent à s’inspirer de sa musique. Le film nous emmène sur les routes du Colorado à Woodstock, Mississippi, Oklahoma, Pennsylvanie, Indiana, Maryland, N.Y, où la réalisatrice glane des brides du passé de Karen Dalton, auprès des artistes qui l’ont côtoyée, aux endroits où elle a vécu, recherchant vainement sa tombe: 8000 km parcourus, deux années de travail, 33 jours de tournage pour la réalisatrice accompagnée de Carmen Jaquier à la caméra et de Malika Pellicioli à la prise son.
Pour le meilleur et pour le pire
Artiste en quête de liberté de vie et d’expression, pour le meilleur et pour le pire, militante farouche de l’anti-capitalisme, Karen Dalton – 20 ans et toute la vie devant elle – quittait N.Y pour un retour à la nature. A ses origines cherokees, elle devait sa passion pour les chevaux. Elle vécut dans la cabane d’une carrière de mine d’or à l’abandon, sur les hauteurs du Colorado, avec enfants un mari qui gratte la guitare et qui ne tarde pas à la quitter. Plus tard, elle perdra la garde de sa cadette.
Bons dans leur cuisine
«Certains musiciens ne sont bons que lorsqu’ils jouent dans leur cuisine. Sur la scène, ils sont perdus.» Reconnue par les musiciens célèbres d’alors, dont Bob Dylan, Karen Dalton interprétait le folk existant. Sa voix au timbre exceptionnel envoûtait. Elle s’accompagnait de la guitare ou du banjo, composa quelques poèmes. Elle resta pourtant en marge de la célébrité. Consciente de son potentiel et de ses échecs, elle se droguait pour oublier ses limites.
Woodstock et Montreux
Longtemps, personne ne s’est soucié de conserver la mémoire de ce qu’elle était devenue après son apparition en première de Santana, son enregistrement à Woodstock, son passage à Montreux, constamment effrayée par la scène. Au moment où elle semblait démarrer en force avec plusieurs albums enregistrés, elle disparut. Elle mourra en 1993, atteinte du sida, dans l’indifférence de son public. Un de ses compagnons de route relève dans le film : « Dans ce pays, si vous êtes malade ou drogué, vous êtes exclu ». A ce moment- là, les sidéens étaient comparés à des parias.
Premier documentaire
Après trois longs métrages de fiction, Emmanuelle Antille lance le défi de joindre le documentaire à l’essai cinématographique. Très présente dans le film, l’artiste d’art contemporain de la scène lausannoise (elle représentait la Suisse à la Biennale de Venise en 2003) ajoute son processus de création personnel, prêtant sa voix à la narration, créant des tableaux éphémères, fabriquant des masques ou encore confectionnant des robes cousues main pour le fantôme de Karen Dalton. Le film a été présenté à Vision du réel 2018 et aux journées de Soleure 2019.
Au cinéma d’Oron, demain vendredi 22 février à 20h
