«Chris the Swiss » - Pourquoi cette guerre ? Qu’es-tu allé chercher ?
« Chris the Swiss » Documentaire d’Anja Kofmel
Chris the SwissAnima-doc de Anja Kofmel
Colette Ramsauer | L’odeur de l’aventure, le goût du désastre? Qu’est-ce qui a motivé Christian Würtenberger, journaliste bâlois de 27 ans, à partir dans un pays en plein conflit pour témoigner d’une guerre d’abord, pour rejoindre un corps d’armée de milice ensuite. Christian Würtenberger, dit Chris the Swiss, sera retrouvé assassiné dans des circonstances peu claires en janvier 1992. Il avait rejoint en train la Croatie comme correspondant de Radio24 à Zurich, avec l’idée d’écrire un livre.
Héros de sa jeune cousine
A ce moment-là, en Suisse, sa jeune cousine Anja avait 10 ans. Dans ses rêves, la disparition de Chris la hantait. Chaque nuit le même cauchemar. Dans sa vie de petite fille, il était devenu son héros. Pas étonnant que lorsqu’elle termine l’Ecole de Design et d’Art de Lucerne en 2008, elle choisisse comme travail de diplôme, l’histoire de ce qu’il a vécu. Chrigi, son court-métrage d’animation acclamé, elle se mettra au long métrage traitant le même sujet. L’anima-documentaire Chris the Swiss sortira en 2018.
Zagreb ville fantôme
Alternant dessins noir-blanc à l’encre et extraits filmés d’archives, elle tente de se réfèrer pour le scénario aux notes de carnets hérités de son parent «… bribes d’histoires et détails sans importance» dira-t-elle. En quête de vérité, poursuivant un courageux combat, elle part filmer ses interviews avec d’anciens combattants, et des journalistes qui avaient fini par fuir cette guerre sanglante. Guerre dont quantité d’archives ont été détruites. Palliant au manque de documents ou afin de rendre acceptables des scènes violentes, de Zagreb ville fantôme sous le couvre-feu, ou des forêts yougoslaves enneigées, elle nous offre des images animées saisissantes.
«Je sais ce que je fais»
Christian Würtenberger était parti dans l’idée de fournir des reportages honnêtes. Comme d’autres journalistes free-lance sur place, le Bâlois dénonçait les injustices et les crimes en direct: images d’amas de corps, de familles égarées fuyant l’ennemi. «Qui tue ces civils?» demandait-il. Des points chauds de son aventure, Chris rassurait sa famille en Suisse: «N’ayez crainte, je sais ce que je fais». A 17 ans, il était parti rejoindre en Namibie un corps militaire de l’apartheid. Il était revenu fasciné par le danger extrême. «Jusqu’où serais-tu allé pour témoigner encore?» questionne sa cousine Anja.
Jeune et intrépide
« Cette histoire m’a montré la fragilité de notre société » reconnaît la réalisatrice « … de tout temps, des jeunes hommes ont quitté leur pays en paix pour combattre une cause ou rejoindre une idéologie». Chris avait compris que les guerres découlent de manipulations politiques et dépendent du marché des armes. Jeune et intrépide, il se mettait constamment en danger. Michael, son frère photographe avec qui il partageait la passion du journalisme ne s’en est pas remis: «Il a joué avec sa vie, il a détruit notre famille, je ne lui pardonne pas.»
Une page d’histoire
La guerre nationaliste en Croatie, qu’avait rejointe pour quelques mois Christian Würtenberger, dura de 1991 à 1995. Le film montre des documents d’archives essentiels à la compréhension de ce conflit. Il peut se lire comme une page d’histoire contemporaine. Il se vit comme un thriller ravivant le souvenir d’une sale guerre, dépassée aujourd’hui par tant d’autres. Présenté au dernier Festival de Cannes puis à Locarno, Chris the Swiss a remporté plusieurs prix et rencontré un grand succès auprès de la critique et du public. A ceux qui l’auraient manqué, Cinédoc offre l’opportunité de le voir ce vendredi 22 mars à 20h, au Cinéma d’Oron.


