PAC Lavaux: un plan injuste entre gros et petits

Tobias Imobersteg, Chexbres | Lavaux est protégée. Quoique, pour être précis, il faudrait plutôt dire que les vignes de Lavaux sont protégées, ainsi que les paysages agricoles de la Tour de Gourze. En effet, le PAC Lavaux édicte des règlements pour ces zones. Les vignerons, les paysans et les quelques rares habitants qui s’y trouvent devront se soumettre à des exigences précises concernant la protection du patrimoine et du paysage.
Ce qui est protégé en-dehors du PAC…
Cependant, certaines personnes auront peut-être vu qu’il y a des trous sur la carte annexée au PAC : les localités de Grandvaux, Cully ou même Saint-Saphorin sont en-dehors du périmètre. De fait, toute leur couronne urbanisée ne fait pas partie de Lavaux au sens strict. On peut s’en étonner, voire s’en offusquer, étant donné que ces localités sont une part indissociable de Lavaux. Mais, restons calmes, il y a une bonne explication à cette cartographie bizarre : comme ailleurs dans le canton et en Suisse, les centres historiques sont protégés par d’autres règles régissant le patrimoine. Une protection y est donc opérante même en-dehors du PAC et, concernant les zones avec une urbanisation plus récente, les communes ont le pouvoir d’édicter des normes architecturales si elles le désirent. Elles gardent ainsi un contrôle sur leur développement.
Jusque-là, tout est encore dans l’ordre des choses. On aurait bien sûr pu espérer une réglementation spécifique des zones urbanisées dans Lavaux, mais le PAC est une manifestation de la volonté populaire qui a voté le contre-projet à «Sauver Lavaux III». Et éviter de mettre Lavaux sous cloche est un objectif affiché du contre-projet.
Ce qui n’est pas protégé dans le PAC…
En revanche, les chemins de vignes, les routes, l’autoroute ainsi que les voies ferrées, sont bien présents dans le PAC. Il est écrit à leur sujet: «Les aménagements et constructions ne doivent pas générer d’encorbellement ou de saillie importante, doivent être bien intégrés au paysage et préserver l’identité de Lavaux» (art. 46 et 49). Voilà. C’est tout. Autrement dit, alors que les petits acteurs, c’est-à-dire chaque habitante et habitant, sont soumis à une réglementation longue de plusieurs pages, les plus gros acteurs, c’est-à-dire les offices des routes et les CFF, s’en sortent avec un court principe général selon lequel ils ne doivent pas occasionner de saillie importante… Dans un tel contexte, comment voulons-nous inciter les habitants à respecter le site protégé si n’importe quel mur de soutènement à l’abri des regards peut être réparé à la va-vite? Cela représente un problème fondamental pour la crédibilité du PAC si les communes, le Canton et la Confédération n’appliquent pas à eux-mêmes les réglementations qu’ils appliquent à la population. Par exemple, les ponts et les murs de soutènement des lignes CFF, souvent très bien intégrés à Lavaux, sont totalement absents des registres de protection, y compris les plus grands ouvrages comme le pont monumental sur le Châtelard. Inversement, l’autoroute est une plaie béante qui s’étire sur l’ensemble du site. La Confédération devrait y prendre ses responsabilités et réduire l’impact de l’ouvrage.
Le PAC devrait exiger de nos infrastructures le même niveau de qualité pour Lavaux que ce qui est exigé par chacune et chacun d’entre nous. Il en va de la crédibilité du plan. Rappelons-nous que les routes et les voies ferrées sont une partie intégrante du patrimoine vivant de Lavaux; sans irrigation, Lavaux ne pourrait pas exister. Par conséquent, elles devraient être liées aux mêmes obligations que ses habitants.