Sans plus retenir
Raphaël Watbled – Editions Favre

Monique Misiego | Lorsqu’il apprend qu’un ami de jeunesse va bientôt mourir à seulement trente-huit ans. Raphaël voit remonter en lui de profondes angoisses. L’imminence de ce décès le remet face à plusieurs formes de deuils non résolus. En particulier, lui revient plus fort que jamais un cauchemar qui le poursuit depuis une tragédie qui a marqué son enfance, la défénestration d’une petite fille. Depuis vingt-sept ans, la vie s’est poursuivie pour lui avec la certitude qu’elle n’était que l’inlassable répétition de ce mouvement: une chute à empêcher sans y parvenir, une vie à retenir en vain. Alors, face à la souffrance que provoque son sentiment d’impuissance, il comprend enfin l’absolue nécessité de libérer le petit fantôme qui le hante depuis toutes ces années. Ce récit bouleversant, écrit avec talent et sincérité, c’est l’histoire vraie d’un drame. Le garçon, témoin involontaire qui entend les cris et voit les parents accourir vers le corps tombé du balcon, n’arrivera pas à s’en remettre sans un grand travail sur lui-même. Sa résilience, c’est le cheminement d’un adulte parvenu à consoler son enfant intérieur. Un récit qui peut être utile à tous ceux qui vivent mal les séparations, les deuils et les ruptures, les provoquent parfois même, pour ne pas avoir à les subir de manière arbitraire. Mais ce récit nous interroge au-delà de cette histoire. Il parle aussi du deuil expliqué aux enfants (ou non expliqué comme cela se faisait il y a 30 ou 40 ans). On imaginait que les enfants ne comprenaient rien. On les laissait avec leur imagination, sans penser une seule seconde les dégâts que l’imaginaire pouvait causer dans leur inconscient. Quand on est enfant, on fonctionne comme une éponge, on aspire tout, on perçoit tout. Le malheur vécu par les adultes entre eux a quelque chose d’encore plus terrifiant. Parce que ce que l’on ne sait pas, notre cerveau va l’imaginer, l’amplifier. Une interrogation qui survient aussi en lisant ce livre, c’est l’aspect physique que pourrait avoir maintenant une personne décédée il y a longtemps. Nous avons vieilli, mais le souvenir que l’on garde d’eux est figé à l’âge qu’ils avaient au moment de leur mort, fussent-ils vieux ou jeunes. C’est un livre qui a l’air banal dans son histoire et dans la façon de la raconter, mais qui pousse à l’interrogation, qui nous pousse à la réflexion parfois, mais qui ne nous laisse pas indifférent. Il aborde aussi la culpabilité que l’on peut éprouver quand on a rien pu faire. Raphaël Watbled est né en 1983 à Martigues et vit depuis 1991 à Aix-en-Provence. Il a enseigné pendant une dizaine d’années comme professeur des écoles puis professeur de lettres. Ecrivain et illustrateur, il a publié «Quinconce» sous le pseudonyme Rafael Toma Gil, coécrit avec Silvin Lupati, ainsi que le roman «5, rue Annonerie Vieille» chez arHsens édiTions.