Lutry-Mézières – Où en sommes-nous avec les énergies renouvelables dans le district ?
Transition énergétique – 2 / 4
Thomas Cramatte | La Suisse se trouve actuellement dans un tournant en ce qui concerne son approvisionnement énergétique. Arrivée comme un cheveu sur la soupe, la récente déclaration de black-out annoncée par Guy Parmelin en a surpris plus d’un.Mais alors, où en sommes-nous avec les énergies renouvelables dans le district ?

aujourd’hui, ce même panneau produit 400 watts et franchit à peine la barre des 200 francs. » Didier Chevalley
Il existe plusieurs sources d’énergies renouvelables. Nous avions découvert le fonctionnement d’une centrale à biogaz de Palézieux-Village dans l’édition précédente. Cette semaine, c’est au tour de l’énergie solaire de passer au crible. Respectueuse de l’environnement et inépuisable, cette technologie pourrait répondre à plusieurs reprises aux besoins de l’ensemble de l’humanité, comme le précise le WWF sur son site internet. Depuis 2007, l’ensemble des panneaux photovoltaïques mondial produit davantage d’électricité que les centrales nucléaires. Le marché international des panneaux photovoltaïques pesait 40 milliards en 2019. Pour abandonner l’utilisation d’énergie fossile en 2050, certaines études précisent qu’environ 70% des besoins seront assurés par cette technique. La Suisse n’est pas en marge de cette tendance avec ses 4.7% d’électricité émanant du solaire l’année dernière. Si le photovoltaïque rencontre un véritable boom dans le pays, il est néanmoins impossible de pallier à une éventuelle pénurie d’électricité grâce à cette technologie, du moins, pas dans sa configuration actuelle. Pour mieux comprendre le potentiel de production des toits et des façades des bâtiments régionaux, nous avons rencontré un installateur spécialisé dans ce domaine depuis quinze ans.

pour transformer le courant conitnu
en courant alternatif
Du soleil à la cuisinière
Les autoproducteurs le savent bien, les panneaux photovoltaïques ne suffisent pas à faire fonctionner leurs installations. « On parle souvent des panneaux, mais il ne faut pas oublier qu’une production solaire compte plusieurs autres éléments », spécifie Didier Chevalley, cofondateur de Sol-energy Sàrl. « Sans eux, il serait impossible de créer de l’électricité ». Reconnaissables par leurs surfaces vitrées, les panneaux solaires permettent de récolter l’énergie de notre étoile. « Des cellules de silicium placées sous la surface vitrée réagissent aux photons de la lumière et agitent les électrons. Une réaction qui génère un courant électrique », poursuit l’installateur de Mézières. Sous forme de courant continu, la production est alors envoyée à un onduleur pour être transformée en courant alternatif et devenir ainsi compatible avec le réseau. Dans le canton de Vaud, chaque nouvelle construction doit subvenir à ses besoins en électricité à hauteur de 20% via une énergie renouvelable. C’est cette obligation, subventionnée par la Confédération et instaurée en 2006, qui a, d’une part, renforcé la popularité du photovoltaïque. D’autre part, l’évolution des produits et la baisse des prix ont favorisé sa notoriété : « Lorsque nous avons débuté, il y a quinze ans, le coût d’un panneau de 230 watts dépassait les 1000 francs, aujourd’hui, ce même panneau produit 400 watts et franchit à peine la barre des 200 francs », constate Didier Chevalley. Cette évolution de puissance et diminution de prix s’explique en partie par des matériaux plus efficaces, mais également par une fabrication toujours plus importante de panneaux solaires.
Vraiment respectueuse ?
L’électricité produite par le photovoltaïque n’émet pas de pollution lors de la transformation de l’énergie solaire en énergie électrique. Mais la fabrication des composants nécessaires à une centrale solaire, leur transport et leur installation ont par conséquent un impact sur l’environnement. Cette énergie grise reste limitée et sera vite compensée grâce à la production d’électricité renouvelable. « En règle générale, on considère qu’il faut en moyenne 1 à 5 ans, en fonction de l’ensoleillement, à un système photovoltaïque pour produire autant d’énergie qu’il en a fallu pour le fabriquer », mentionne le site d’ActuEnvironement. Les onduleurs qui rendent compatibles l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques, les divers supports utiles à l’installation et les câbles pour raccorder le tout sont principalement produits en Europe. « La majeure partie des panneaux sont de leur côté fabriqués en Asie », spécifie Didier Chevalley. Même si les importateurs proposent des fabrications européennes, la qualité chinoise est de très haute qualité et son processus automatisé permet de réduire le prix de vente des panneaux. « Le panneau européen est malheureusement plus cher d’environ 30% ». Même si la crise sanitaire et la pénurie mondiale de matières premières incitent la clientèle à consommer de manière plus locale.
Plan énergétique
Encouragées par la Confédération et le canton, les communes vaudoises sont en charge de réaliser une planification énergétique de leur territoire. « Dans les grandes lignes pour Lutry, d’un côté il s’agit d’intensifier les efforts déjà engagés pour maitriser et idéalement réduire la demande en énergie et de l’autre, valoriser les ressources énergétiques renouvelables disponibles sur le territoire », renseigne Charles Monod, syndic en charge des services industriels de Lutry. La ville du bord du lac a été récompensée pour ses efforts en matière énergétique en obtenant le label « Cité de l’énergie » en 2018. Possédant près de 200 auto- producteurs, Lutry récompense les propriétaires d’installations photovoltaïques en rachetant le courant excédentaire à un tarif avantageux. « En principe, nous devrions encore améliorer notre prix de rachat afin d’encourager davantage de nos citoyens à devenir des acteurs de la transition énergétique ». Dans le district, seules Pully et Lutry sont labéllisées « Cité de l’énergie ». Pour obtenir cette certification, Lutry développe une politique énergétique ambitieuse, centrée sur l’efficacité énergétique et sur le développement des énergies renouvelables. Par exemple, les locaux de la STEP sont alimentés en électricité et chauffés grâce au méthane, issu du processus de bio-méthanisation des boues d’épuration, qui alimente deux groupes « chaleur-force ». Une installation photovoltaïque sur le toit du bâtiment complète la production locale d’énergie. Ces deux dispositifs permettent d’atteindre une indépendance énergétique de l’ordre de 75%, le solde nécessaire étant issu du réseau électrique.
En cas de black-out ?
Les panneaux solaires installés sur le territoire communal couvrent actuellement environ 3,5 % de la consommation électrique annuelle de Lutry. Un pourcentage qui ne serait pas suffisant pour pallier au black-out présumé par la Confédération en 2025. De plus un aspect d’ordre technique ne permet pas de préserver la population lutrienne d’une éventuelle pénurie d’électricité, et ce, même si 100 % de son courant émanait du solaire : « Je vais vous décevoir, mais malheureusement, les installations photovoltaïques actuelles ont besoin du réseau pour fonctionner ». « Pour espérer pallier à un éventuel black-out, il faudrait se déconnecter du réseau de distribution, produire localement et stocker sa production d’électricité, puis consommer avec parcimonie la précieuse énergie en attendant un retour à la normale… », informe le syndic. Pour l’installateur de Mézières, des solutions existent pour soulager le réseau électrique du pays : « Plusieurs pics de consommation ont lieu à des heures bien précises. Avant de passer à table, le réseau électrique est fortement sollicité. Nous serions peut-être amenés à changer nos habitudes pour soulager nos lignes électriques ». Pour lui, les toits des écoles et des industries ne sont pour l’heure pas assez exploités : « La meilleure électricité, c’est celle que nous produisons et consommons sur place ».