Cinéma – Tori et Lokita : des visages pour les mineurs en exil
Au cinéma d’Oron les vendredi 14 et dimanche 16 octobre, à 20h
Les frères Dardenne ont mis en scène le parcours dramatique d’un duo d’enfants exilés de deux pays d’Afrique. Liés par une amitié extraordinaire, ils tentent de survivre ensemble à Liège, sur une terre belge qui ne les accueille pas volontiers.

Triple oppression
Tori est Béninois, Lokita est Camerounaise. De leur rencontre au milieu du monde sans scrupule des passeurs nait une amitié indestructible leur permettant de lutter contre la violence des adultes qu’ils sont forcés de fréquenter pour survivre. Ensemble, ils tentent ainsi de gagner quelques euros en vendant de la drogue. Leur fragilité et leur jeune âge attirent cependant des rapaces sans vergogne, qui les font travailler à peu de frais pour leur commerce douteux. Œuvrant ainsi dans le trafic de drogue, Tori et Lokita subissent non seulement la violence du milieu, mais aussi celle d’adultes tentant de leur soutirer les quelques euros qui leur restent pour rembourser le passage de l’Afrique à la Belgique, des euros gagnés par ailleurs pour être envoyés à la mère de Lokita restée au pays. Le duo d’enfant est ainsi sans cesse en lutte pour sa survie, entre trois pôles d’adultes qui leur extorque leur force de travail quand ce n’est pas leurs derniers centimes.
Acteurs non professionnels
Tori et Lokita est ainsi un récit sur l’amitié et le lien autant qu’il est un drame social. Ce que peut le soutien est mis en scène par des choix importants, notamment la décision des frères Dardenne de choisir pour la représenter un petit acteur et une – un peu moins petite – actrice, qui ne sont pas professionnel·le·s. La visée du film est fondamentale: il s’agit de donner par la fiction deux visages, des noms et des âmes à une situation aussi injuste que violente de l’Europe actuelle; celle des mineur·e·s étranger·ère·s non accompagné·e·s. Le choix des acteur·rice·s semble d’abord motivé par leurs physiques, puis par l’énergie qu’il et elle dégagent. Elle est très grande et calme, il est petit et nerveux. Physiquement déjà, ils forment ainsi un duo aussi surprenant qu’intéressant, qui fonctionne bien et accroche le regard. Le jeu est cependant assez inattendu, faisant à la fois penser à la fable tout en manquant parfois de vraisemblance.
Des voix pour chanter
De leurs corps opposés sortent des voix qui s’unissent dans l’amour qu’elles se portent, mais aussi dans le souvenir commun des étapes qu’ils ont eu à traverser ensemble pour arriver en Belgique. Ceci est notamment relayé par une chanson apprise en Sicile, qu’ils chantent ensemble pour lancer un karaoké dans le restaurant qui les emploie au noir pour vendre de la drogue. Une mise en scène qui fonctionne bien pour résumer les enjeux de ce film.

