Eugène Chollet à la retraite
40 ans de police

Claude Quartier | Ce géant aux moustaches en croc! C’est Eugène Chollet, 40 ans au service de la police: vingt ans à Lutry, une fois autant à Yverdon, dont le départ à la retraite est annoncé pour la fin de l’année. Il a travaillé avec trois conseillers d’Etat, quatre préfets, 18 syndics et 28 municipaux, de quoi connaître tous les rouages de la mécanique fine d’un Etat aussi bien policé que le canton de Vaud. Quand en plus, on a vu la police évoluer, passant du stade de «garde champêtre» dans les villages à une police de proximité efficace et proche des citoyens et que l’on a été un agent de ce changement, on peut se dire avec fierté que le job a été bien fait et qu’il valait la peine d’être vécu.
Si on disait: «dessine-moi un policier de proximité», le modèle Eugène Chollet serait le bon. Commissaire en 2000, à la tête de six hommes et de deux secrétaires, il assure l’ordre à Lutry qui n’est de loin pas la capitale du désordre. Dans cette bourgade, le policier connaît tout le monde et tout le monde le connaît. Ce qui n’est pas toujours facile à vivre pour celui qui doit à la fois prévenir, contrôler et sévir. «On intervient souvent dans la vie intime de personnes à qui il est arrivé quelque chose de conséquent. Le policier doit être à l’écoute, rechercher le contact, tout en étant impartial et en appliquant la loi. Cette ambivalence fait la difficulté et la richesse du métier de policier que j’ai toujours aimé».
Si on disait: «trouve-moi un flic qui a vécu la révolution policière», on se tournerait volontiers du côté d’Eugène Chollet. Il passe de son modeste commissariat de huit personnes à la première police régionale agréée par le Conseil d’Etat, appliquant le cahier des charges «police» à six communes (10 communes avant la fusion Bourg-en-Lavaux) et 23’000 habitants. De 2000 à 2015, on passe par étapes et par votation populaire de 18 polices communales à neuf polices régionales et une police cantonale. A Lutry, l’effectif passe de huit personnes aux compétences limitées à la commune aux 60 personnes de l’APOL (Association Police Lavaux). Au cœur de cette évolution, le commandant Chollet. Il est nommé chef de projet pour établir une police intercommunale, pour créer un poste de police digne de ce nom et correspondant aux normes. Opération réussie: l’APOL est fondée, l’APOL est reconnue, l’APOL est bien admise par le public, même si ça râle quand on est épinglé.
De multiples services
«Ce fut une période passionnante, de réflexion, de création, de collaboration avec les autorités locales et celles des communes voisines. Tout en mettant au premier plan nos tâches policières, garantes de la sécurité de tous, nous rendons de multiples services en coulisse à la collectivité. Par exemple, nous intervenons dans les nombreuses manifestations locales qui se tiennent chaque année dans nos villages: gestion de l’occupation du domaine public, sécurité publique, gestion des parkings et circulation. Nous assurons une présence visible dans toutes les grandes manifestations ainsi qu’au quotidien dans le périmètre des établissements scolaires. Nous disposons de multiples spécialistes dans des domaines très variés, droit sur la circulation routière, légalisation, prévention. Nous exerçons au profit des communes de nombreuses tâches administratives, police du commerce, gestion des commissions de police, des ports, champ du repos, mobilité, etc…» Ainsi la «police» s’intègre dans le tissu social, dépassant son image un peu lourde, un peu inquiétante de la policière ou du policier armé. Et maintenant, on arrive à la fin d’une riche carrière professionnelle au service de la collectivité. Le 28 novembre, le lieutenant-colonel Chollet remettra les clés au nouveau commandant, le major Raphaël Cavin. Le 1er janvier, retour définitif à la vie civile. Des regrets? Quand on a quatre enfants, six petits-enfants, l’envie de faire du bénévolat «en reconnaissance à la chance que j’ai eu d’avoir une vie privée des plus agréables ainsi qu’une belle carrière», quand on aime le sport, le ski, le golf, la voile sur son bateau à Yverdon et que l’on a un carnet d’adresses riche en amis et en personnes qui espèrent profiter encore un peu de vos compétences, on aurait mauvaise grâce à se sentir malheureux d’être retraité. Ce n’est pas le cas d’Eugène Chollet, heureux de son passé et confiant dans son avenir.