Film documentaire – « La Suisse de nuit »
Série de Michèle Sauvain

retient un gobemouche migrateur en vue de le baguer
Colette Ramsauer | Dans l’offre de la plate-forme Play Suisse, « La Suisse de nuit », passionnante série de trois épisodes de la documentariste zurichoise, fait le récit de ceux qui travaillent alors que nous sommeillons. Elle sillonne les régions linguistiques, suivant le cours des saisons été, automne, hiver de l’an dernier. Les drones ont capturé des images saisissantes aux Chutes du Rhin, à la Raffinerie de Cressier et ailleurs. A voir ou revoir pour qui les auraient manqués récemment au programme de la RTS.
D’une frontière à l’autre
En introduction, une voix-off nous invite au voyage: « Quand la nuit tombe et que le silence se fait ». Cette nuit d’été, pourtant, ne débute pas par un songe alors que les pilotes gardes-frontière tessinois entrent en scène. Leur tâche est de repérer les migrants qui tentent de passer clandestinement en Suisse. Le sensationnel nous attend sur la route du Gotthard, où s’effectue le transport d’une éolienne. Dans le monde du transport publique, voici le chauffeur Reto qui finira sa ronde à 4h42 au terminal des bus lucernois : « Les passagers pour la plupart sont des femmes couche-tard que je me fais un devoir de ramener à bon port » Pandémie oblige, il porte des gants et un masque. La fin de l’épisode montre une vue impressionnante du grand Bâle. La caméra plonge tout naturellement sur les quais de la marine marchande où les pendulaires Fabio et Tim s’affairent aux chargements de containers.
Rencontres insolites
La série nous permet la rencontre de passionnés comme Elio et son assistante, scientifiques répertoriant les chauves-souris au Nidloch dans le Jura soleurois, ou Nicole Dahinden dans la réserve naturelle du Gantrisch s’émerveillant face à la voûte céleste, ou encore Thérèse et sa fille Anita, dans une ferme bernoise, confectionnant dans la bonne humeur des tresses pour le marché de la Münstergasse. Les surprises se suivent, allant de la présentation d’un hôtel à la belle étoile au contrôle des pistes del’aéroport et à l’observation des insectes, oiseaux, gibier. D’un artiste de graffiti aux ouvriers renouvelant les voies des CFF, la liste et longue et pourtant non exhaustive. Alors que les drones ont capturé des images de manifestations qui ont pu avoir lieu in extremis côté alémanique en début de pandémie (Knie à Berne, Carnaval à Lucerne, un festival de musique à Bâle), on ne verra pas en Romandie les soignants à la tâche dans les hôpitaux, ni les gens les remerciant de leurs balcons.
Héros de l’hiver
Sur le Corvatsch (3200m), Mariella agricultrice – les machines elle connaît – se met aux commandes d’une dameuse de 8 tonnes, pour sa onzième saison. A un jet de pierre, Saint-Moritz la luxueuse brille de tous ses feux, et sur le col enneigé du Julier, une file de voitures danse la serpentine. A Airolo, d’une caserne à l’étonnante architecture, la caméra suit, par une nuit glaciale, le départ de la marche des recrues, puis fait halte à Gadmen, au pied du Susten où a lieu une course de chiens polaires. Au Lötschberg, la réalisatrice s’entretient avec le responsable du ferroutage nocturne, Alexander dont la famille est étroitement liée à l’histoire du tunnel. L’incroyable Otto Zengaffinen – 77 ans et toujours pas de relève – s’activant à entretenir la patinoire de Saas-Fee est encore un de ces héros de l’hiver.
Regard altruiste
Un crochet par Zermatt et la vallée du Rhône jusqu’au Léman nous amène vers Frédérique et Jérémie Clerc, 4 et 5e générations de pêcheurs. Survol de la ville du bout du lac, puis montée à Gstaad dans un hôtel 5 étoiles où les cuisiniers se plient en quatre pour satisfaire les clients qui rejoindront leur suite au petit matin… alors que quelque part dans une ferme de la Suisse centrale, Martha est déjà levée pour s’occuper du bétail. Veuve surchargée par ses tâches, elle rêve de se remettre à la broderie. Depuis 2010, Michèle Sauvain, reporter et réalisatrice de films documentaires, jette ce même regard altruiste sur le monde. A travers « La Suisse de nuit », images saisissantes de nos villes et nos montagnes, galerie de portraits, mais aussi rappel de l’histoire, la géographie et l’ architecture, elle nous invite à une réflexion sur notre société.
