Forêts – Reynald Keller passe la martèle à Damien Jordan
Au 30 juin prochain, Reynald Keller transmettra son poste d’inspecteur des forêts du 5e arrondissement à son jeune successeur, Damien Jordan, après 34 ans d’une vie professionnelle riche. Un homme, à l’image de ses forêts : les pieds bien ancrés dans le sol, fort de ses connaissances qu’il aime à transmettre, apaisant, à l’écoute,
positif envers l’avenir et avec qui il fait bon partager un moment.

Reynald Keller transmet la martèle à Damien Jordan
Reynald Keller un homme du crû
Gil. Colliard | Né à Corcelles-le-Jorat, le 27 décembre 1956, où son papa, secondé par sa maman, était fromager à la laiterie du village, le jeune homme, s’est très vite détourné de la filière laitière pour s’intéresser à la forêt, terrain de jeux de son enfance. Il suivit l’école d’ingénieurs forestiers à l’école polytechnique fédérale durant quatre ans. Lors d’un stage en forêt, à Courtelary, il fit la connaissance d’Anne-Lise qu’il épousera en 1986 et avec qui il aura deux filles, Céline en 1987 et Léonie en 1989. Il compléta son bagage, à Madagascar, participant, pendant quatre mois, à un projet de formation de jeunes malgaches à l’utilisation de la tronçonneuse. Ingénieur indépendant dès 1982, il a travaillé pour divers mandats de conservation de la nature. Après deux ans à Echallens, il revint en 1984 dans son village natal où il acheta sa maison. En 1987, il succéda à Jean-Paul Gavillet, inspecteur des forêts du 5e ardt pendant trois décennies. « A cette époque, les postulants faisaient une sorte de tournée électorale auprès des municipalités qui validaient un candidat, lequel devait avoir l’aval du Conseil d’Etat » se remémore celui qui fut élu.
Une fonction variée qui évolue en fonction de prévisions à long terme
Alors qu’au départ, la partie administrative couvrait le 50% du temps de travail, elle est aujourd’hui de 70%, consistant au traitement des dossiers d’aménagement forestier, de révision des plans de gestion, de conduite des projets techniques, de mise à l’enquête de constructions à proximité des forêts, de règlements etc. « Nous avions plus de contact de terrain, sur les 45’000m3/an de bois martelés, ma participation se rapportait à 35’000m3 alors qu’aujourd’hui elle n’est que de 8 à 12’000 m3. La fonction est devenue multidisciplinaire. L’inspecteur secondait les gardes forestiers pour la gestion des travaux sylvicoles, aujourd’hui, solidement formés, ils sont plus autonomes. Ce sont nos yeux sur le terrain. Nous sommes en interaction avec des biologistes et des ingénieurs dans de nombreux autres domaines. Nos interlocuteurs communaux changent en fonction des domaines à traiter. Il n’y a pas de lassitude » décrit le futur retraité, s’estimant chanceux d’avoir exercé un métier avec autant de diversité et de contacts.
Vision optimiste sur l’avenir des forêts et retraite en toute simplicité
« J’ai toujours assisté à la lente érosion des prix du bois. Les coûts d’entretien des forêts ont dû être compensés par les subventions. On vit aujourd’hui un rebond du bois, notre seule matière première. Les architectes qui le dédaignaient, au profit du béton et du verre, le proposent pour de grandes constructions. Des centrales de chauffage à plaquette voient le jour. Le prix du marché repique. Il faut que ce soit durable. Cette hausse encouragera les propriétaires privés (35% des forêts de l’ardt) à exploiter leur forêt, boostant l’entretien des massifs et redynamisant les peuplements. Je suis confiant en l’avenir, les propriétaires publics sont dynamiques et veulent transmettre ce patrimoine aux générations futures. Nous avons pris le bon virage assez tôt en adaptant les essences aux prévisions climatiques. La formation des bûcherons et des gardes forestiers a évolué. On tient compte de la générosité de la nature et de l’abondance des recrus naturels » explique Reynald Keller prêt à passer à ses autres passions.
« La marche et le VTT sont des vitesses qui me parlent, j’aime découvrir une région, un village, visiter » révèle celui qui apprécie aussi la lecture, le bricolage autour de sa maison et qui se réjouit de trouver un rythme apaisé offrant du temps pour les amis, les contacts villageois et au profit d’une tranquillité méritée.
Damien Jordan au bénéfice d’une formation partie de la base forestière
Né le 24 janvier 1986, Damien Jordan a passé son enfance à Epalinges. Il a hérité de ses parents l’amour de la nature en baignant depuis petit dans les forêts et la montagne, aux Diablerets d’où il est originaire. Il a effectué un apprentissage de forestier-bûcheron auprès de l’entreprise Daniel Ruch SA à Corcelles-le-Jorat. Un passage rude entre la vie scolaire et celle en extérieur par tous les temps qu’il a apprécié. Au cours de son école de recrue, il fait son permis poids lourd ce qui lui a permis d’avoir, pendant deux ans, le volant du premier camion de son entreprise formatrice.
En 2009, il prit le chemin des études : une année de maturité professionnelle à Marcelin en section sciences naturelles puis la formation d’ingénieur forestier à la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires de Zollikofen. Il fit son stage d’éligibilité, permettant de travailler dans le domaine public, auprès du 3e ardt. Pendant les trois ans qui suivirent il occupa un poste auprès de ForêtSuisse, l’association des propriétaires forestiers à Soleure, avant de décrocher celui d’ingénieur forestier adjoint de la région ouest en 2017 qu’il abandonnera au 1er juillet prochain pour celui d’inspecteur des forêts du 5e ardt. Le jeune homme vit à Châtel-St-Denis avec sa compagne Aude et leurs deux enfants Timothée, 2 ans et Louise, 11 mois. Il apprécie les randonnées dans la région, le VTT pratiqué en famille et les voyages.
Faire face aux défis et rester humble dans sa vision
« Nous sommes devant un gros défi climatique, particulièrement au niveau des épicéas et des sapins, plus en station dans certaines forêts du plateau. Sans recette miracle pour y remédier, il faut accompagner ces changements, planter des sortes mieux adaptées à la chaleur tel le chêne et d’autres essences dites rares, sachant que nous n’avons pas encore beaucoup de recul. Eviter de couvrir des ha de manière artificielle mais créer des peuplements mélangés. Avoir une vision humble, laisser le naturel venir et tendre vers une futaie irrégulière, sans oublier que derrière chaque forêt, il y a un propriétaire qui a investi. Une approche fine, en restant attentifs aux volontés de ces derniers. Cette sensibilité est déjà bien engagée » souligne le futur inspecteur qui prendra le temps d’observer, en forêt, ce territoire varié situé entre zones urbaines et Préalpes. « Cette fonction consistera aussi, comme l’a voulu le législateur, à mettre en réserve 10% de la surface forestière suisse d’ici à 2030, définir les zones potentielles lors de l’établissement de la planification forestière, inviter les propriétaires à la réflexion. L’entretien des forêts protectrices, l’accueil du public, l’augmentation de l’utilisation du bois local comme ressource pour la construction et l’énergie, entretenir une bonne communication, assurer le soutien aux communes et aux privés, entre autres font aussi partie de la tâche » énumère Damien Jordan, motivé à relever ses manches.

Les arrondissements forestiers du canton de Vaud