Jorat – Randonnée nocturne en forêt entre art et méditation
Une initiative du Théâtre de Vidy

Gil. Colliard | Mardi 3 novembre, peu après 19h, les yeux encore éblouis par les phares du confortable car qui nous avait amené à l’orée de la forêt, notre petit groupe d’une vingtaine de personnes a suivi Savannah, charmante hôtesse d’accueil du Théâtre de Vidy, jusqu’à Markus, qui nous attendait au détour d’un chemin. Nous ne vîmes pas son visage, mais sa voix douce et calme nous mit tout de suite dans la confiance et le contexte de cette marche respectueuse, silencieuse et sans lumière artificielle, de quelque 7 km au cœur des bois du Jorat, intitulée « Dans la forêt ».
La forêt, les sens et l’esprit
Derrière notre guide, en file indienne, nous avons été absorbés par la forêt. Le regard s’est petit à petit habitué à ce clair-obscur laiteux, sans lune ni étoile. Les silhouettes des sapins, chênes, hêtres, etc. se sont révélées, parfois dans une légère brume, parfois dessinant les cordes d’une harpe muette élancée vers le ciel. Nos pas d’abord hésitants, se sont faits plus assurés ressentant la douceur de la mousse, des feuilles mortes, de l’herbe, la succion de la boue ou la dureté d’un chemin. Fougères, feuilles claires ou copeaux de bois reflétaient par endroits la faible clarté. Parfois un parfum subtil de résine flottait dans l’air avant de s’évanouir. Des taillis plus épais nous avalaient dans un noir absolu avant que notre marche débouche sur une clairière. Le silence nous a enveloppés seulement rythmé par nos pas et les gouttes de pluies qui tombaient des branches. Imprégné par ce calme et cette sérénité, l’esprit a lâché prise pour se mettre au diapason du moment présent et méditer. Quelques haltes nous permettaient d’admirer en silence un endroit particulièrement intéressant ou d’entendre notre guide nous décrire la vie de la forêt, l’histoire de la relation des hommes avec elle, ses habitants, la respiration des arbres, les langages du vivant. Soudain arrêtés pour quelques instants devant un refuge, nous avons été éblouis par un spectacle féérique de lumières colorées. Lors de notre dernière halte sur le chemin du retour, un chant issu de la musique classique, empreint de douceur, s’est élevé totalement en osmose avec ces moments hors du temps au sein de la Nature.
Marcher, regarder et écouter
« Dans la forêt » est un projet qui fait partie de la série « Travelling » dans lesquels un petit groupe de spectateurs est mené hors des murs du Théâtre de Vidy pour aller à la rencontre d’un lieu, d’un paysage. Cette balade artistico-méditative a été imaginée par Massimo Furlan, créateur d’arts scéniques et Claire de Ribaupierre, dramaturge. Du 15 septembre au 3 novembre, plusieurs fois par semaine, Martin Reinartz, de son nom de comédien « Markus » a guidé des promeneurs du crépuscule dans cet espace encore sauvage. De loin, la forêt est abstraite, liée à nos imaginaires, aux contes de fées, associée à la nuit à nos peurs. En l’habitant, l’espace de quelques heures, elle devient accueillante. Le visiteur est spectateur et acteur, vu par ceux qui l’entoure et le perçoive. « Dans la forêt » est le premier opus d’une trilogie sur la façon dont nous habitons et travaillons la terre. Il est composé de trois gestes simples, à la portée de tous: marcher, regarder et écouter. Le succès a été au rendez-vous pour chacune des sorties programmées. Un cadeau, une parenthèse bienvenue en ces temps troubles où nous sommes bombardés par les médias entre nouvelles alarmantes dues à la pandémie et élections américaines. Une aération du cœur et de l’esprit nous laissant méditer sur notre rôle dans cet écosystème.
