La petite histoire des mots
Pape
Georges Pop | Le pape François est entré dans l’histoire, au début de ce mois de février, pour avoir été le premier pontife de Rome à prononcer une messe en public dans un pays de la péninsule arabique, berceau de l’islam. 170’000 fidèles, des travailleurs immigrés pour l’essentiel, se sont réunis pour réserver à François un accueil fervent dans le grand stade d’Abu Dhabi, capitale des Emirats arabes unis, seul pays de la région à tolérer sur son sol la pratique d’une autre religion que l’islam. Si le mot «pape» vous rappelle le mot «papa», ce n’est absolument pas fortuit. Car à l’origine, dans le langage enfantin, il y avait déjà le mot latin «papa» et le mot grec «πάππας» (pappas), affiliés très intimement dans les deux langues antiques à «pater» et qui, dans la bouche d’un enfant, avait en ce temps-là exactement le même sens d’aujourd’hui. C’est à partir du troisième siècle de notre ère que par affectueuse déférence on commença à s’adresser aux premiers évêques chrétiens en les appelant «papa». Mais à partir du 6e siècle, en Occident, le titre de «papa» puis de «pape» fut progressivement attribué au seul évêque de Rome qui finit par s’imposer comme le chef hiérarchique de l’église catholique. En Orient cependant, dans la langue grecque, «pappas» et son dérivé bulgare et russe «pop» finiront par désigner un prêtre ordinaire. Pourquoi le pape est-il qualifié parfois de «souverain pontife» ou de «pontife» de Rome? Eh bien dans l’antiquité romaine, le mot «pontifex», désignait celui qui «fait le pont», entre les dieux et les hommes, autrement dit un prêtre. L’empereur à qui l’on vouait un culte divin, portait lui solennellement le titre de «pontifex maximus», autrement dit de «grand pontife». L’évêque de Rome ayant fini par s’emparer des attributs et de la pompe des anciens empereurs, il hérita également de ce grandiloquent titre de pontife; un mot qui – soit dit en passant – nous a donné en français le terme «pontificat» qui définit la fonction pontificale ou sa durée ainsi que le verbe «pontifier» qui à l’origine voulait dire officier mais qui a pris de nos jours une connotation ironique, voire péjorative, pour qualifier un discours à un point si ridiculement solennel qu’on pourrait croire que celui qui le prononce se prend pour… le pape! Terminons en rappelant que le pape est habilité à faire… des bulles. Evidemment, rien à voir avec le savon! Dans le langage ecclésiastique, une bulle pontificale est un document, par lequel le pape pose un acte juridique, comme une nomination épiscopale, la convocation d’un concile ou encore une canonisation. Pourquoi une «bulle»? Aujourd’hui comme hier, les bulles papales sont scellées et portent un sceau qui en latin s’appelle «bulla»… Et lorsque le pape produit une bulle, toujours en langage ecclésiastique, on dit qu’il…
fulmine! Etonnant, non?
