La petite histoire des mots
Galette (des rois)

Georges Pop | Il est de tradition, le jour de l’Epiphanie, chaque 6 janvier, de partager la galette des rois pour célébrer la visite des trois rois mages à l’enfant Jésus. Selon la coutume, encore très vivace de nos jours chez les chrétiens, qu’ils soient pratiquants ou non, celui ou celle qui découvre la fève, dissimulée dans la galette, a le droit de porter la couronne de fantaisie qui l’accompagne et, parfois, de formuler un vœu. Au risque de décevoir certains croyants, il faut relever que cette tradition est bien antérieure au christianisme. Tout comme la date de Noël, elle tire son origine de la fête romaine des Saturnales, à la gloire du dieu Saturne, qui était célébrée à la fin du mois de décembre, juste avant le solstice d’hiver, et au cours de laquelle les barrières sociales étaient effacées. Les esclaves ou les condamnés à mort qui tombaient sur la fève cachée dans un gâteau, qu’ils étaient invités à partager, obtenaient ainsi le droit de se comporter en «roi» d’un Jour, avant de retourner à leur état servile ou d’être exécuté. Lorsque le christianisme devint la religion officielle de l’Empire, ces célébrations furent interdites, remplacées par des manifestations religieuses. Mais la coutume de la fève subsista. Au XIVe siècle, elle fut même adoptée en France par des moines de Besançon pour désigner, à chaque Epiphanie, le maître de chapitre. Mais à la place d’une fève, les moines glissaient une pièce d’argent dans un pain. Le mot «galette» définit quant à lui un gâteau rond et plat. Il dérive, par extension compte tenu de sa ressemblance avec un caillou poli par l’eau, du mot «galet», issu du gaulois «gallos» qui désignait une pierre pouvant servir de projectile. Le terme «galette» est avéré dans la langue française depuis le XIIIe siècle. Depuis le XIXe siècle, le mot, en argot veut aussi dire «argent». Dans le langage cinématographique, une galette est une bobine de film et, dans le jargon des toxicomanes, une dose de «crack». On est très loin des rois mages dont l’existence – à vrai dire – est sujette à caution. Les textes évangéliques parlent bien de l’hommage de plusieurs «sages», venus d’Orient pour rendre hommage à l’enfant divin, mais ne précisent ni leur nombre, ni leur nom et moins encore leur statut de souverain. Il fallut attendre le IIIe siècle pour que ces visiteurs se voient affublés d’un titre royal et le VIIIe pour découvrir leur identité dans un document en langue latine. Depuis bientôt 900 ans, des reliques, attribuées par l’Eglise catholique à Melchior, Gaspard et Balthazar sont précieusement conservées dans une châsse d’or, d’argent, de cuivre et de bois, entreposée dans la très belle cathédrale de Cologne, en Allemagne, offertes à la vénération des fidèles qui viennent nombreux se recueillir devant elle. Elles ont été ramenées de Milan après la mise à sac de la ville par les troupes impériales de Frédéric Barberousse, furieux d’avoir été excommunié par le Pape. Le pape Benoît XVI a célébré à Cologne les Journées mondiales de la jeunesse en 2005. Il a déclaré dans son homélie: «La ville de Cologne ne serait pas ce qu’elle est sans les Rois Mages, qui ont tant de poids dans son histoire, dans sa culture et dans sa foi.»