Lavaux-Oron – Les restaurateurs résignés mais agissants face à la flambée des prix et la crise de l’énergie
On entend de tout du côté de notre approvisionnement en électricité. Pénurie de gaz, prix du marché volatile, sortie du nucléaire ou encore, transition énergétique inadaptée. Tant d’éléments qui feront grimper la facture de l’électricité pour 2023, mais qui représentent une aubaine pour certains. Décryptage.

Le réputé chef franco-suisse Fabrice Hochart avait joué de malchance en reprenant l’auberge de l’Union, à Palézieux Gare, au début de 2020, juste avant l’éruption pandémique. Aujourd’hui, devant les incertitudes du moment, rompu aux difficultés, il garde la tête froide et veut se montrer optimiste : « Ça ne sert à rien d’anticiper et d’avoir peur. On verra bien ! », déclare-t-il, manifestement amusé. Des économies de chauffage ? « Mon établissement peut-être chauffé au bois et j’en ai en suffisance. Les clients n’auront pas froid (rires) ». Un risque de perdre le contenu du congélateur en cas de coupure de courant ? « Bah ! Je suis assuré ». La flambée des prix ? « En tant que chef d’entreprise, je me suis adapté et je m’adapterai encore. Pas le choix, même si c’est dur ! »
A Puidoux-Village, à l’auberge communale, le chef Frédéric Pichon, dit « Frédo » ne cache pas son exaspération devant la montée des prix : « Rien que pour le pain artisanal que je fais venir, j’ai déjà reçu deux hausses successives. Et ce n’est pas fini. Tout augmente. Ce n’est vraiment pas rassurant », explique-t-il. A-t-il adapté ses prix ? « A peine ! J’ai une clientèle fidèle de gens ordinaires, et je n’ai pas du tout l’intention de les faire fuir ». Des économies d’énergie en perspective ? « Ça va être très difficile. Le bâtiment est très ancien. Il est chauffé au gaz et à l’électricité. La marge de manœuvre est très réduite. Mais j’espère que nous passerons l’hiver sans incident. Il y a deux ans, j’ai eu une coupure d’électricité. Tout le contenu de mon congélateur avait été perdu ». Petite consolation : l’auberge dispose d’un personnel fidèle, dans un secteur qui souffre d’une pénurie de main-d’œuvre.

Non loin de là, au restaurant du lac de Bret, Rinaldo Da Dalto, le patron de l’établissement, a renoncé à adapter ses prix, en dépit de la hausse : « On travaille bien. Nous avons une très bonne clientèle. J’ai donc décidé de réduire un peu mes marges », explique-t-il. Il se dit prêt à affronter l’hiver et ses imprévisibilités, précisant avoir rempli ses citernes à un prix plus élevé que précédemment. Des économies d’énergie en perspective ? « Cela va être difficile compte-tenu de la structure du bâtiment. Mais il y a un moment déjà que nous avons adapté notre éclairage avec du LED. Nous avons aussi procédé à des travaux d’isolation avec des fenêtres doubles, voire triples aux endroits les plus exposés ».
A Aran-Villette, au Guillaume Tell, le chef Denis Velen, s’indigne de certaines hausses, incompréhensibles selon lui : « En raison de la sécheresse, on peut comprendre que certains produits primeurs soient plus chers. En revanche, le prix des vins importés, par exemple, a flambé de manière totalement excessive », constate-t-il, manifestement agacé, avant d’ajouter : « Mais, par les temps qui courent, il me sera difficile d’augmenter mes prix ». Des économies d’énergie en vue pour passer l’hiver ? « Vous savez ça fait déjà un moment que nous faisons attention. On éteint les lumières, les fours et les plaques de cuisine dès qu’on en a plus besoin. J’ai aussi réduit la puissance des hottes d’aspiration pour réchauffer la salle avec la chaleur de la cuisine Mais on sera encore plus attentif, c’est clair ». Craignez-vous des coupures de courant ? « Non ! S’il y en a, ce seront d’abord les grands consommateurs qui seront impactés ».
« J’ai procédé à quelques petites retouches minimes sur mes prix. Il faut d’abord penser aux clients », souligne pour sa part Salvatore Riccio du restaurant pizzeria Hôtel de Ville, à Oron-la-Ville qui est contrarié par une hausse de 10 à 15 % des produits essentiels. « Et puis nous faisons d’ores et déjà des économies d’énergie. J’ai donné des consignes à mon personnel pour éteindre les lumières inutiles et, en cuisine, les fours lorsqu’on en a plus besoin ». Comme son collègue d’Aran-Villette, lui aussi exploite la chaleur de sa cuisine pour chauffer la salle.
« Pour le moment j’ai réduit mes marges par égard pour la clientèle, mais je ne pourrai pas le faire éternellement », confie pour sa part Vincent Dozin qui dirige un petit empire comprenant six boulangeries-pâtisseries, cinq tea-room-restaurants, ainsi qu’une chocolaterie, répartis entre Lutry, où il vit, Pully et Lausanne. Il constate lui aussi une hause de quelque 15 % du prix de ses matières premières. « Côté économies d’énergie, nous avons déjà introduits un éclairage LED dans notre laboratoire. L’isolation a été complétée et les chambres froides éteintes dans les magasins. On garde juste les frigos. Mais on ne peut pas éteindre les fours… ». Craignez-vous des coupures de courant ? « Je ne veux pas être anxieux. Mais sans électricité, pas de pain ! C’est aussi simple que ça… ».


et je m’adapterai encore » Fabrice Hochart