Le tortillard
Sous le soleil, dans le brouillard
Se faufile le tortillard
A la fenêtre des enfants
S’égosillent en gesticulant
Il entraîne les braves gens
Comme de sinistres filous
A-travers bourg, à-travers champs
Et il siffle dans le vent fou
Le contrôleur en habits bleus
Tapote aux arrêts les essieux
Puis debout sur le marche-pieds
Il fait signe de s’en aller
Chacun sac ou lourde valise
Pour un voyage simple-course
Ici le clocher d’une église
Qui tremblote dans les secousses
Un litron de rouge qui tache
– Santé – passe de mains en mains
Un joueur de cartes se fâche
Ramadoué par les copains
Certains, perdus dans un journal
Somnolent sans lever la tête
Pourtant sur la route un cheval
Superbe tire une charrette
Un cantonnier fauche un talus
De la main esquisse un salut
Parfois la branche d’un sapin
Effleure les vitres du train
Dans le couloir sacs et fusils
Jeunes recrues sont assoupis
Dormez, dormez petits soldats
L’oiseau de paix est du convoi
Assis heureux dans ce convoi
Malgré les dures banquettes en bois
Des compagnons fort sympathiques
Offrent un peu de leur pique-nique
Bien que tout le monde rouspète
Tôt ou tard il faudra descendre
Et dans une gare déserte
Comme poussière se répandre
Nous avons tous quelque part
Un petit train qui siffle en nos mémoires!
Pierre Dominique Scheder