L’immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes
Karine Lambert – Editions Livre de poche

Monique Misiego. |. Quelle drôle d’idée qu’un immeuble où les hommes sont carrément interdits. Par qui? Pourquoi? Un seul mâle a le droit de s’y introduire, c’est Jean-Pierre, le chat. Carla habite cet immeuble. En départ pour l’Inde, elle souhaite prêter son appartement à une de ses amies, Juliette. Carla connaît les règles de cet immeuble et demande à Juliette de les respecter. Mais la curiosité de Juliette et son obstination vont la pousser à essayer de comprendre et de faire changer ces règles. Quatre femmes habitent cet immeuble à part Carla. Il y a d’abord Giuseppina Volpino. Chez elle, on la surnommait Cosetta «petite chose». Née en Sicile, avec un père et trois frères, il n’y a qu’une seule façon de penser. La leur. Une mère effacée, qui avait osé l’ouvrir qu’une seule fois, mais cette fois restait marquée sur sa peau à jamais. Une cafetière volante. Ça arrive chez les machos. Elle avait eu un enfant, Fortuna. Mais son mari et ses frères avaient décidé qu’une mère qui travaille ne peut pas s’occuper d’un enfant. Elle ne la voit qu’aux vacances, en Sicile, et encore, quand eux le décident. Puis il y a Simone. Une terrienne. Elevée à la campagne, arrivée à Paris à 23 ans, puis départ pour l’Urugay, où elle fait la connaissance d’un gaucho, qui lui donnera un fils, Diego, qu’elle ramènera en France après avoir trouvé son gaucho dans les bras d’une autre. Et Rosalie. Rosalie Labonté, ça ne s’invente pas. Elle fait du yoga, boit du thé et s’occupe d’enfants difficiles. Rosalie était commerciale dans une autre vie. Son compagnon était directeur créatif, ils formaient la «dream team». Mais Rosalie rêvait d’enfants, lui pas, et un jour, il a fui. Comme ça, sans un bruit. Pour ne plus revenir. Et la reine mère. Celle qui commande. Cet immeuble et celles qui l’occupent. Il faut dire que le bâtiment lui appartient, ceci expliquant cela. Grande danseuse dans le passé, elle faisait perdre la tête aux hommes, mais ne passait jamais plus d’une nuit avec eux, pour garder l’étincelle dans leurs yeux. Elle ne supporte pas de vieillir. Elle a d’ailleurs supprimé tous les miroirs. Pour ne pas se voir vieille. Elle a tellement renoncé aux hommes qu’elle veut imposer cette pensée à tout le monde. Mais il y a cette Juliette. Juliette, elle, a besoin d’amour. Car elle n’en a pas reçu de ses parents. Ou si peu. Ils s’aimaient tellement que parfois ils oubliaient jusqu’à son existence. Elle n’a pas renoncé aux hommes elle. Du moins pas à l’amour. Et elle va faire flancher cette grande amoureuse qu’est la reine mère. J’ai beaucoup aimé ce livre parce que plusieurs destins se croisent, plusieurs générations, plusieurs façons de penser, des passés totalement différents. Ces femmes se parlent et échangent entre elles. Et s’influencent les unes les autres mais se soutiennent aussi. A nouveau un livre écrit par une femme, ce roman oscille entre humour et gravité et nous parle de la difficulté d’aimer, des choix existentiels, des fêlures de chacun et de la soif de bonheur. Ce roman n’est pas tout récent, il a obtenu le prix «Saga Café 2014», meilleur premier roman belge. Méfions-nous des Belges, j’ai envie de dire, car non seulement ils produisent des séries télévisées de grande qualité, mais la Belgique regorge d’écrivains et d’écrivaines qui valent le détour. Je vous en ai déjà présenté plusieurs dans cette chronique. L’auteure, Karine Lambert, est une photographe belge. Ses clichés sont de minuscules instants essentiels: éclats de rire, de sensualité, de fragilité et de vérité. Dévoreuse de livres, elle a toujours rêvé de partager sa passion pour les mots. D’une façon ou d’une autre, avec des images ou des phrases, elle raconte ce qui la touche. Ce roman a été traduit dans plusieurs langues étrangères.
Elle a publié depuis: Et bien dansons maintenant en 2017, disponible en livre de poche – Un arbre un jour paru en livre de poche le 27 mars 2019 – Toutes les couleurs de la nuit, qui paraîtra chez Calman-Levy le 17 avril 2019