Oron – Où en sommes-nous avec les énergies renouvelables dans le district ?
Transition énergétique – 1 / 4
Thomas Cramatte | La Suisse se trouve actuellement dans un tournant en ce qui concerne son approvisionnement énergétique. Arrivée comme un cheveu sur la soupe, la récente déclaration de black-out annoncée par Guy Parmelin en a surpris plus d’un. Mais alors, où en sommes-nous avec les énergies renouvelables dans le district ?

de projet qui ne représente que 0.2% de l’énergie produite en Suisse
Il existe plusieurs sources d’énergies propres. Si le solaire et l’hydraulique sont, bien sûr, les plus connues, d’autres alternatives permettent de couvrir une partie de nos besoins énergétiques. C’est le cas des centrales à biogaz. Encore peu nombreuses, on en dénombre moins de mille sur le territoire helvétique. Selon les spécialistes, plus de 2500 installations supplémentaires seraient nécessaires pour garantir une meilleure autonomie électrique. En 2011, après la catastrophe nucléaire de Fukushima, la Confédération adopte une nouvelle stratégie énergétique. Entre la sortie progressive du nucléaire et l’accord bilatéral sur l’électricité, on peut se demander de quoi nous serons privés dans le futur ? Une question complexe auquel nous essayerons de répondre dans le dernier volet de cette série consacrée à la production régionale d’énergies renouvelables. Recycler les excréments de bovins pour en faire de l’énergie, voici l’objectif des centrales à biogaz. Si ce procédé paraît novateur, il ne date pourtant pas d’hier, comme nous le rappelle Eric Ramseyer, exploitant agricole et fondateur avec son frère de la société Palézieux Bio-energies SA : « Nous nous sommes inspirés de ce que faisait Samuel Chevalley à la sortie du village ». Pionnière de cette technologie, la ferme Chevalley utilise cette ressource naturelle depuis 1973. L’ingénierie actuelle, plus aboutie, permet de subvenir à l’électricité de plusieurs ménages : « Nos panneaux solaires et notre centrale à biogaz permettent de couvrir les besoins de 650 ménages, soit l’électricité de 2000 habitants », souligne Eric Ramseyer. Mais alors, comment est produit ce fameux biogaz ?
Bactérie source d’énergie
« Une fosse enterrée de 1500 mètres cubes permet de récupérer le purin de nos vaches. Ce sont entre quinze et vingt mille litres de ce liquide qui est pompé chaque jour ». Les excréments sont ensuite amenés à la centrale de biogaz à l’aide d’une conduite souterraine. Placé dans une cuve (digesteur), le purin est amalgamé avec du fumier, du gazon, des résidus de céréales déchiquetés : « Le mélange est ensuite stocké hermétiquement, permettant ainsi la formation de bactéries qui vont fermenter toute cette matière organique ». Ce procédé permet la formation d’un gaz combustible qui, avant de pouvoir être utilisé comme tel, est envoyé dans un autre digesteur. C’est sous un dôme étanche que le mélange sera affiné avant d’être transformé en méthane. Décrié en raison de son fort potentiel de réchauffement (28 fois plus élevé que le CO2), ce gaz naturel persiste moins de dix années dans l’atmosphère. Pour ne pas contribuer au réchauffement climatique, l’installation de Palézieux-Village procède par circuit fermé. « Le méthane produit dans le deuxième digesteur est capturé pour faire fonctionner deux moteurs », précise Eric Ramseyer. De type couplage-chaleur-force (CCF), les deux appareils sont reliés à des génératrices. « Ce sont elles qui produisent de l’électricité ». Mais pour réaliser un cercle vertueux, la centrale de biogaz va plus loin : « On emprisonne la chaleur émise par les deux moteurs pour chauffer de l’eau », souligne l’agriculteur. C’est grâce à ce procédé que l’installation garantit la température des salles de classes de l’école de Palézieux-Village et de deux appartements : « Cela nous permet aussi de provoquer la fermentation dans les deux digesteurs et de chauffer toute l’eau dont nous avons besoin sur notre exploitation ». A ce titre, Eric Ramseyer précise que les robots de traite destinés aux 200 vaches sont nettoyés avec ce système. Quant à l’électricité produite par les deux moteurs, elle est envoyée dans un transformateur avant d’être acheminée dans le réseau régional. Pour ne rien gaspiller durant l’opération, la matière résiduelle extraite par la centrale de biogaz est en partie compressée. « Cela permet de séparer le digestat solide du liquide ». Ces résidus du processus de méthanisation représentent un engrais naturel de haute qualité qui, non content d’être plus efficace que du lisier n’ayant subi aucune fermentation, possède un autre avantage : « Il a le mérite d’être moins odorant » révèle Eric Ramseyer.
Installés depuis 2015, la centrale à biogaz de Palézieux-Village et les panneaux solaires fixés au toit de l’exploitation produisent quelque 2 millions de kilowattheures par année (0.5 million pour le solaire et 1,5 million pour le biogaz). De quoi couvrir les besoins en électricité de plus de 650 ménages. Au début de leur aventure, une des principales difficultés pour Eric et son frère Gérald Ramseyer était de convaincre le système bancaire. Palézieux Bio-energies SA a nécessité 3.5 millions de francs dans sa première version, et 200’000 francs pour son agrandissement et l’ajout du deuxième moteur cette année. « Il n’a pas non plus été facile de défendre ce projet lors de sa mise à l’enquête », se remémore Eric Ramseyer.