Saint-Saphorin – Des patous comme assurance brebis
Monde de la vigne
Thomas Cramatte | C’est le même rituel chaque hiver au Domaine des Faverges. Durant la saison froide, des moutons viennent en aide aux vignerons en mangeant les végétaux nuisibles au travail de la vigne. Mais depuis cet hiver, le troupeau s’est agrandi avec la présence de deux chiens des Pyrénées.

Laine prisonnière des piquets, excréments au sol, marques de sabot et bêlements témoignent de la présence de moutons lorsque l’on parcourt les parcelles de vigne du Domaine des Faverges. Cette propriété comptabilise 15,4 hectares de culture 100% biologique. Si le Domaine appartient à l’Etat de
Fribourg, le responsable possède suffisamment de liberté pour apporter sa touche personnelle dans la production. Syndic de la commune de Saint-Saphorin, Gérald Vallélian a fait le choix de se rapprocher de la nature en stoppant toute utilisation de produits chimiques depuis 2013 : « Nous avions envie de nous réapproprier le métier, de retrouver la lecture des sols et des plantes, et pas uniquement la lecture d’un guide de traitement fourni par un vendeur de produits », se remémore le vigneron.
Une manière de travailler qui nécessite plus de travail de la part des collaborateurs du Domaine des Faverges. Pour simplifier la fauche durant l’hiver, le responsable décide d’accueillir un premier troupeau de brebis en 2018. Riche de cette expérience, les effectifs s’agrandissent au fur et mesure des années pour atteindre 26 têtes aujourd’hui. Si les moutons se sentent presque comme poisson dans l’eau du Léman aux Faverges, le vigneron décide d’accroître leur sécurité et leur confort en accueillant deux chiens de montagne des Pyrénées.
Protecteur et médiateur de troupeau
Quand des patous (appellation de chien de montagne des Pyrénées) vivent avec des moutons, on pense très souvent à une protection contre les grands prédateurs. C’est d’ailleurs pour cette tâche que cette race est utilisée dès le moyen âge, afin de protéger les châteaux des ours, des loups, ou même des hommes. Si l’on sait que le loup traverse parfois le vignoble, ce n’est pas tellement le carnassier qui fait peur à Gérald Vallélian, mais plutôt les personnes mal attentionnées : « Plusieurs cas de vol de brebis sont régulièrement recensés en Suisse romande. Les chiens réagissent en cas d’intrusion humaine ou animale. Il n’est pas rare que Caramel et Magnum aboient des promeneurs, même sur le bord des chemins ». Une autre menace concerne également les jeunes brebis : au tout début de l’hiver, le renard peut s’attaquer aux agneaux rejoignant le vignoble en terrasse.
Au-delà de leur rôle de dissuasion, les deux chiens profitent du dépaysement qu’offre le vignoble : « Nous avons également reçu les patous pour éviter qu’ils tournent en rond dans leur écurie de la Forclaz (région des Mosses) cet hiver ». Caramel et Magnum devront ainsi retourner à leur alpage vaudois pour la saison estivale. Pour Gérald et son fils, qui s’occupe
également des patous, il est l’heure du bilan : « Le troupeau n’a jamais été aussi apaisé que depuis la présence des chiens. Les bêtes ont été moins dissipées qu’auparavant », constate le vigneron.
Nous avons interrogé Gérald à la veille du départ des chiens. Lui et son fils appréhendaient les adieux, car on ne sort pas indemne d’une saison entière passée en compagnie du meilleur ami de l’homme : « Caramel, la femelle, s’est un peu trop attachée à la présence de l’homme, il n’est pas impossible que son séjour à Lavaux soit prolongé », admet le vigneron avec émotion.
Exigences canines
Les chiens de montagne des Pyrénées sont souvent considérés comme dangereux pour les promeneurs. S’ils ne doivent pas perdre de vue leur mission protectrice, les éleveurs de patous tentent de mieux sociabiliser leurs bêtes à la présence humaine : « On demande beaucoup à ces chiens, car ils doivent protéger le troupeau des prédateurs et des voleurs, tout en étant gentils avec les marcheurs qui passent à proximité », souligne Gérald Vallélian.
Première vigne à Lavaux
L’histoire raconte que c’est au XIIe siècle que les premiers ceps de vigne prennent racine à Lavaux. La famille de Glâne (Villars-sur-Glâne) possédait des terres à Puidoux et Saint-Saphorin. A cette époque, la Suisse n’existe pas et la région de l’actuel Lavaux possède une grande diversité de végétaux. Pour valoriser ses parcelles, la famille aristocratique décide de léguer ses biens du bord du lac à des moines bourguignons. Ce sont ces derniers qui plantèrent la première vigne à Lavaux.
