Servion – Laurent Pioud : liberté et épanouissement acquis par le talent et le sport
Il a gagné son chemin d’homme libre au guidon de sa moto, alors bon anniversaire

Gil. Colliard | Dans sa jolie maison des Cullayes Laurent Pioud coule des jours heureux auprès de son épouse Dorothée. Une retraite bien méritée après un chemin de vie tortueux, pour conquérir sa liberté, basé sur le courage, l’intelligence, le sport et le travail. Lundi 10 mai, une délégation communale composée de Monique Ries, municipale et Cédric Matthey, syndic, sont venus lui apporter les félicitations et les bons vœux de la commune à l’occasion de ses 90 ans.

Excellence en ski et motocross ouvrent la voie vers une vie nouvelle
Né, Ovidiu Puiu, le 8 mai 1931, à Brasov en Transylvanie, d’un père roumain et d’une mère hongroise, bon élève, il fréquente les écoles allemandes. En 1950, le gouvernement communiste d’après-guerre le considère comme petit-fils de capitaliste et lui interdit l’entrée à l’Université de Bucarest, son grand-père maternel qui
possédait depuis 1896 une usine de parquet étant qualifié d’exploiteur du peuple. En 1952 cette disgrâce vaut à sa famille, comme à plus de 2000 autres, l’expulsion à 100 km de sa ville natale, où les conditions de vie sont précaires. Intégrant l’armée, Ovidiu évite la déportation et devient un champion de ski alpin. Membre de l’équipe nationale, il peut enfin intégrer l’Université en 1954. Il obtient le diplôme d’ingénieur mécanique spécialisé en automobiles et moteurs et se voit nommé à la tête de l’atelier de réparation de l’usine de camions de Brasov. Passionné de moto, le jeune homme fonde un club sportif moto, s’adonne au motocross et dès 1962 court avec des machines dont les moteurs sont de sa conception. Consacré quadruple champion de Roumanie, sa fédération l’autorise à participer aux épreuves de GP à l’étranger et particulièrement en Europe occidentale. « J’ai pu obtenir des invitations pour la France, qui était considérée comme l’Eldorado du motocross. Grâce à une forte amitié liée, au fil des compétitions, avec le champion suisse Albert Courajod, nous avons pu, en 1969, lors d’une course à Avignon, déjouer la vigilance du
délégué du parti et passer de nuit la frontière franco-suisse. Une délivrance, car en Roumanie, le parti communiste voulait m’engager comme informateur politique. J’avais pu, jusque-là, me soustraire à cette obligation, ayant eu le courage de la refuser par une déclaration écrite, mais l’étau se resserrait » se souvient le sympathique et alerte nonagénaire.
Développement d’un concept de moteur et fondation de sa propre société, une nouvelle vie s’organise
Il laisse alors derrière lui sa famille, son épouse et son fils de 8 ans, qui pourront le rejoindre bien plus tard. Mais le temps et l’éloignement ayant fait leur œuvre, le couple se séparera. « Ma première action fut de renoncer à la nationalité roumaine et demander la naturalisation suisse. J’ai obtenu l’asile et suis devenu,
Laurent Pioud, Suisse, en 1983. Une longue période intermédiaire peuplée de cauchemars avec la peur d’être récupéré par le régime communiste. » Deux mois après son arrivée, commence une nouvelle vie à Genève. Il est engagé comme technicien chez Motosacoche et développe le moteur monocylindre « Yankee » qui équipera 10 machines de motocross et enduro. Une de ces magnifiques motos est gardée précieusement dans le garage de la maison. En 1976, il fonde sa société de réparation de véhicules et carrosserie, Repcar à Lausanne où il s’établit. Dans son immeuble, il rencontre Dorothée, de nationalité allemande, qui travaille dans le médical. Ils uniront leur vie en 1987. Le couple, à la recherche d’une maison s’installera le 1er août 1989 aux Cullayes. Ils y feront d’importantes rénovations jusqu’à en faire un endroit chaleureux à leur image. Deux ans après, son fils Darius et sa femme sont venus s’installer à Mézières où sont nés leurs trois enfants, pour le bonheur de toute la famille. En 2003, après une vie de labeur, Laurent Pioud remet sa société et prend sa retraite. Nous adressons tous nos bons vœux de santé et de bonheur à Laurent Pioud qui a gagné son chemin d’homme libre au guidon de sa moto. Un homme qui se sent foncièrement Suisse « me soumettre aux règles de vie de ce pays est pour moi un honneur ! » conclut-il.