La spéculation sur l’électricité est la raison de son coût en hausse
C’est bien connu, la facture de l’électricité va prendre l’ascenseur l’année prochaine. Mais pourquoi et qui profitent de cette situation. Décryptage.

La crise énergétique est le sujet de prédilection de cet automne. Si les augmentations du coût de l’électricité annoncées en juin dernier ne sont pas encore réellement appliquées, l’approvisionnement en énergie plombe le porte-monnaie des Suisses et des Européens. Prenons l’exemple des automobilistes qui grincent déjà des dents à chaque passage à la pompe, ils devraient être rejoints par ceux ayant misé sur la propulsion électrique dès le début d’année prochaine. Les autorités demandent de faire des économies partout où cela est possible. Alors que les citoyens, les communes et les cantons attendent impatiemment des actions concrètes venant du Conseil fédéral, il est intéressant d’avoir les explications des producteurs et des fournisseurs d’électricité.
Déchiffrer la hausse des prix
Plusieurs composantes définissent le prix de l’électricité. Tout d’abord, les coûts d’acheminement de la centrale au consommateur ont drastiquement pris l’ascenseur : « Nous répercutons uniquement sur nos clients l’augmentation de tarif du gestionnaire national Swissgrid », mentionne le site de l’entreprise bernoise BKW. En d’autres termes, les coûts pour produire de l’électricité seront les mêmes qu’en 2022, mais le transport sera majoré.
Une livraison d’électricité coutait 25 centimes en mai (…), ce même kilowattheure s’achète environ 90 centimes depuis le 23 août
Markus Ehinger, porte-parole de BKW
Même constat du côté de la Romande Energie, le fournisseur vaudois précise qu’il est dorénavant obligatoire d’installer des compteurs intelligents (voir édition du 29 septembre) : « Ces nouvelles installations sont une exigence légale et feront gonfler la facture », précise Michèle Cassani, porte-parole du groupe. Si les fournisseurs ont annoncé des augmentations pouvant atteindre les 61 %, la hausse des prix du transport et l’introduction des conteurs intelligents vont renchérir les factures du fournisseur vaudois de 11 % en moyenne dès l’année prochaine. Il faudra additionner à cela, la volatilité des marchés de l’électricité.
Evolution du marché européen
Pour les forces motrices bernoises, tout a basculé cet été : « Une livraison d’électricité pour l’année 2023 coûtait encore 25 centimes/kWh en mai 2022, alors que depuis le 23 août, ce même kilowattheure s’achète environ 90 centimes/kWh », détaille Markus Ehinger, responsable des relations médias chez BKW. La Suisse, faisant partie du marché européen de l’électricité, est tributaire de son évolution : « La population toujours plus nombreuse, l’électrification de la société, la volonté de sortir des énergies fossiles, le parc nucléaire français faisant défaut, la sécheresse et la guerre en Ukraine contribuent à toutes ces hausses de tarif », précise Michèle Cassani. « Les tarifs sont fixés en fonction de la quantité d’énergie que les gestionnaires doivent acheter sur le marché ».
Notre production propre s’élève à 40 %, le reste doit être acheté sur le marché libre
Michèle cassani, porte-parole de romande energie
Romande Energie possède des ouvrages de production afin de limiter l’achat sur le marché européen et peut ainsi limiter la hausse de ses tarifs : « Notre production propre s’élève à 40 %, le reste doit être acheté sur le marché libre » précise la porte-parole.
Pour BKW, une future pénurie d’eau attendue en Suisse représente un risque supplémentaire et ne ferait que d’accroître encore les prix.
L’énergie, son transport et la spéculation sur la hausse sont les trois raisons des projections anxiogènes des fournisseurs d’électricité.
A qui profitent ces augmentations ?
Les grands vainqueurs de ces hausses sont les producteurs d’électricité ne fournissant pas d’électricité aux ménages (par ex. Alpiq), mais uniquement aux gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) : « Ils vendent l’intégralité de leur production sur le marché. Mais attention, ces producteurs sont aussi des traders, ils prennent aussi les risques du marché », explique François Vuille, directeur général de l’environnement et détaché à la gestion du risque de pénurie dans le canton de Vaud. « Pour eux, l’électricité ne coûte pas plus cher à fabriquer, mais son prix de vente est multiplié ».
Les cantons sont fréquemment actionnaires majoritaires de GRD, pourtant, leur position est différente de celle d’un producteur ne fournissant pas d’électricité : « La marge n’a pas changé depuis ces hausses de prix. Puisqu’elles achètent la majeure partie de leur courant sur le marché européen ». Nous avons voulu savoir si les dividendes des actionnaires de BKW et de Romande Energie allaient augmenter avec la hausse des tarifs en 2023.
Tous deux nous ont répondu que cela dépendra des résultats globaux de leurs sociétés.