«Sorry we missed you» – Une famille au bord de l’abîme
«Sorry we missed you» Fiction de Ken Loach

Colette Ramsauer | Fort et émouvant, le dernier film du réalisateur britannique Ken Loach raconte la vie d’une famille dont les parents se battent vainement pour garder leur dignité dans la ville de Newcastel où la pauvreté, comme ailleurs, est en augmentation. «Sorry we missed you», qu’on pourrait traduire par «Désolé, nous vous avons laissés au bord du chemin», symbolise les dégâts causés à l’humain par la disruption qu’engendrent les nouvelles technologies.
Dérives de la modernité
Ricky, Abby Turner et leurs deux enfants Seb et Lisa Jane forment une famille soudée. Ils vivent dans un quartier de la classe moyenne. Alors qu’Abby, dévouée, travaille pour les soins à domicile, Ricky s’attelle à des tâches mal rétribuées. Impossible d’envisager de devenir indépendants ni propriétaires de leur logis jusqu’au jour où, grâce à la révolution numérique, une opportunité s’offre à eux. Le couple dérive alors dans un système qui verra leur vie de famille chavirer. De même que dans Moi Daniel Black (palme d’Or 2016), Ken Loach traite d’un sujet lié à l’emploi. Il nous entraîne dans le monde du transport de colis à domicile répondant aux commandes sur Internet. Il dénonce l’exploitation des chauffeurs travaillant à un rythme effréné pour satisfaire la clientèle et enrichir des patrons peu scrupuleux.
Ne pas exagérer le pouvoir du cinéma
Face aux médias, cette année à Cannes, le célèbre cinéaste demandait aux journalistes de ne pas exagérer le pouvoir du cinéma. La conférence se terminait par un discours plutôt politique: «Le travailleur s’exploite lui-même, ce n’est pas la fin du capitalisme, juste une autre forme qui perdure… seul un changement des structures sociales qui doit passer par le politique fera avancer les choses… les contradictions pour changer le monde s’accumulent… actuellement huit personnes détiennent la moitié du capital mondial! En une année, la charité a augmenté de 18% en UK, c’est bien mais cela ne changera rien. L’Europe est une opportunité, le seul espoir pour le pays». Dans ce contexte, Ken Loach (83 ans) et son fidèle scénariste Paul Laverty, font revivre les déboires d’une famille victime du Tout tout de suite. Avec des acteurs d’une belle authenticité. A ne pas manquer!

«Sorry we missed you» UK, 2019, 100’, vost, 12/14
Drame du réalisateur Ken Loach – Scénario de Paul Laverty – Avec Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone et Katie Proctor
Au cinéma d’Oron le samedi 2 novembre à 18h ainsi que le ma 5 novembre à 20h