Votations du 26 septembre 2021
Quelques réflexions

Christa Calpini, pharmacienne, ancienne députée au Grand Conseil VD | La population suisse se prononçait sur deux objets. Le premier, l’initiative populaire « Alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital » a été refusée à 64,9% des voix. Lancée par les jeunes socialistes, l’objectif était de faire payer davantage les 1% les plus riches pour aider les 99% restant. Premier constat, le texte divise la Suisse en deux catégories de personnes : celles qui travaillent et sont imposées sur leur salaire et de l’autre côté, les super riches qui investissent leur capital et attendent tranquillement que cela rapporte. C’est caricatural… car le capital, c’est quoi ? D’abord de l’argent gagné par le travail (épargne) puis investi pour générer une production supplémentaire. Le local de travail, les équipements, les stocks grâce auxquels les travailleurs produisent des biens et des services nécessaires à la population, c’est le capital. Ce faisant, des emplois sont créés, des salaires sont versés, des impôts sont payés. Sans capital, il n’y a pas de postes de travail. Certes, les initiants visent les gains boursiers ou immobiliers. Or ces gains sont appelés « revenus du capital » dans leur texte mais dans le droit fiscal suisse, cette notion n’existe pas. Cela donne à réfléchir! Taxer le revenu du capital signifie clairement imposer le revenu de tous les investissements faits dans notre pays, que ce soit pour une start-up, une PME ou dans le domaine de l’immobilier. L’initiative demandait aussi que ces gains soient davantage taxés à partir d’un certain seuil mais sans donner de chiffre. Le parlement aurait dû le préciser, comme il aurait dû préciser quels revenus sont considérés comme revenus du capital et sous quelle forme les recettes supplémentaires en découlant auraient été distribuées au 99%. Toutes ces incertitudes expliquent le refus de dimanche. Quand on veut emporter l’assentiment de la population sur un tel sujet, il ne faut pas d’abord récolter l’argent en augmentant les impôts puis dire après coup comment et à qui on va le distribuer… mais plutôt expliquer que pour tel projet, nous avons besoin de tel financement. Le second objet portait sur une modification du code civil suisse, « Mariage pour tous ». Il a été accepté par 64,1% de la population. C’est un sujet de société complexe pour différentes raisons. Dans tout ce qui a été dit et écrit, je peux comprendre les arguments des uns et des autres. Toujours est-il qu’on ne choisit pas le sexe de sa naissance, pas plus qu’on ne choisit d’être hétéro, homosexuel, ou transgenre. Naître et être mal dans sa peau parce qu’on est hors du cadre standard « hétéronormé » représente souvent une grande souffrance pour les concernés et leur famille. De nombreux témoignages l’attestent. Puis quand deux personnes du même sexe se sont trouvées, s’aiment et veulent se marier, leur demande est compréhensible. Pour beaucoup, fonder une famille, avoir des enfants est un désir profond et nécessaire à leur bonheur. Ces couples n’ont d’ailleurs pas attendu la votation de ce jour puisque plus de 30’000 enfants grandissent en Suisse au sein de familles dites arc-en-ciel. Or ces enfants (ils n’ont rien demandé) sont de facto mis dans une situation juridique plus difficile: droits de succession, obligation d’entretien, obligation de soins, par rapport aux personnes qui partagent leur vie. Le OUI de ce jour leur donne enfin une protection juridique à laquelle ils ont droit. Pour les couples homosexuels, l’accès au mariage implique de nouveaux droits tels l’adoption conjointe, la naturalisation facilitée du conjoint et la procréation médicalement assistée pour les femmes. Le nouveau texte du code civil qui, pour la filiation, parle de la mère et de l’autre parent (et non plus du père) a fait couler beaucoup d’encre. Aurait-on pu trouver une meilleure formulation? Peut-être… reste que le plus important est qu’un enfant soit désiré et bénéficie d’un entourage bienveillant, favorable à son épanouissement. La réalité est, qu’aujourd’hui, 40% des mariages traditionnels finissent en divorces dont les enfants peuvent ardemment souffrir. De ce fait, ces derniers sont éduqués dans des familles monoparentales ou recomposées avec souvent le balluchon à portée de main pour être pris en charge chez les uns et les autres. Cela peut se passer très bien comme le contraire. En définitive, l’orientation sexuelle des parents n’est pas déterminante pour le bonheur d’un enfant. Un enfant « heureux », c’est d’abord un enfant qui se sent en sécurité dans un, voire deux foyers stables, avec un ou des parents qui prennent leur rôle à cœur. L’Etat n’a pas à se mêler de l’organisation familiale mais il se doit de garantir que chacun soit traité de la même façon, indépendamment de son origine, de son sexe ou de son orientation sexuelle. C’est pourquoi, j’ai voté OUI à cet objet.